Depuis une trentaine d’années, la science s’intéresse à la méditation et cherche à expliquer ses bénéfices cognitifs et émotionnels et, plus généralement, son impact positif sur la santé. Ce champ de recherche a permis de mieux expliciter l’interconnexion entre le corps, l’esprit, le cerveau, l’expérience subjective et le bien-être. Les scientifiques ont ainsi tâché d’apporter des preuves à ce que les contemplatifs décrivent depuis des millénaires. Cette évolution de la recherche doit beaucoup à l’émergence des approches basées sur la Pleine Conscience qui sont apparues dans le secteur médical à la fin des années 1970.
Conçu par Jon Kabat-Zinn, docteur en biologie moléculaire, le programme MBSR s’inscrit dans le courant de la médecine intégrative dès sa création en 1979 au sein de la Faculté de Médecine du Massachusetts. Il a fait l’objet de nombreuses recherches dans le but d’évaluer et d’objectiver ses bienfaits. Son format structuré et relativement reproductible, ainsi que son impact positif sur la santé, ont vite retenu l’attention de la communauté scientifique. C’est ainsi que les professeurs en psychologie Zindel Segal, John Teasdale et Mark Williams se sont intéressés à la pratique méditative dans le cadre de leurs recherches sur la dépression, donnant naissance au début des années 2000 au programme MBCT.
De nombreuses études attestent des bénéfices des approches basées sur la Pleine Conscience sur la santé, tant dans des affections somatiques que psychiques. Leur efficacité a ainsi été établie dans la réduction des symptômes de nombreux troubles, comme le stress (dont stress post-traumatique), les douleurs chroniques, l’anxiété, la dépression, l’insomnie, les troubles alimentaires ou les addictions, ainsi qu’en prévention du burn-out.
Depuis le début des années 2000, le nombre de recherches sur les protocoles basés sur la Pleine Conscience a considérablement augmenté dépassant désormais les 600 études annuelles. C’est dans ce contexte que l’American Mindfulness Research Association a été créée en 2013. Cet organisme qui rassemble quelques spécialistes de la recherche sur la Mindfulness comme Richard Davidson, Rebecca Crane ou Mark Williams, a pour mission de contribuer à l’établissement de standards pour la recherche et à la diffusion de ressources (mise à disposition de bases de données et de communications professionnelles).
Début 2018, la création d’une division Mindfulness au sein du Département de Médecine de l’Université du Massachusetts, sans doute la première chaire universitaire entièrement dédiée à ce domaine, a réaffirmé l’ambition de cette institution où MBSR est né de poursuivre la recherche sur ses applications médicales. C’est un autre signe fort de l’accélération de la reconnaissance des approches basées sur la Pleine Conscience par le monde scientifique. De même que la création du Mindfulness Center au sein de l’Université de Brown qui consacre des fonds importants la recherche en ce domaine.
Si le sujet est plus récent en France, des recherches d’envergure commencent à y être menées. Ainsi, l’Insern est engagé dans une analyse longitudinale visant à étudier l’impact des pratiques méditatives sur la prévention de la maladie d’Alzheimer. D’autres études sont en cours sur des patients atteints de cancer, notamment à la Faculté de Médecine de Strasbourg et à l’Hôpital Gustave Roussy de Villejuif.
Les neurosciences montrent qu’à des degrés divers, pour les experts comme pour les novices, la pratique de la méditation modifie le fonctionnement et la structure du cerveau : de nouvelles connexions neuronales se créent et le volume de matière grise augmente dans certaines zones.
Cette plasticité cérébrale, mesurée grâce à l’imagerie médicale et à des enregistrements de l’activité du cerveau, se caractérise notamment par une baisse d’activité de l’amygdale (impliquée dans le traitement d’émotions comme la peur et l’anxiété) et par une activation accrue au niveau de l’insula et du cortex pré-frontal (région cérébrale impliquée dans le traitement de l’attention et les fonctions exécutives qui contrôlent le comportement). Ces effets vont dans le sens d’une meilleure régulation émotionnelle.
A lui seul, le cortex insulaire intervient dans de nombreuses fonctions de l’organisme : il participe notamment à la conscience intéroceptive, à la perception de la douleur, à la conscience des émotions et au contrôle des fonctions autonomes en modulant les systèmes nerveux sympathique et parasympathique.
La pratique méditative favorise le maintien de l’homéostasie du corps (stabilité de l’environnement interne) en activant la branche parasympathique du système nerveux autonome, parfois nommée réponse de relaxation, au détriment de la branche sympathique, celle qui s’active en réaction à un stress. En mettant en œuvre des capacités d’autorégulation naturelles, la méditation crée des conditions physiques et psychiques qui contribuent à la guérison et à une meilleure santé.
Son impact n’est pas observable que dans le cerveau. Des changements neurochimiques et d’autres d’ordre génétique sont également notables. Ainsi certaines études semblent montrer des effets positifs sur les phénomènes inflammatoires, l’immunité et le vieillissement cellulaire.
Les pratiques méditatives auraient une action sur les marqueurs physiologiques du stress. Elles auraient notamment un rôle de régulation de l’humeur et de la fonction immunitaire en impactant le niveau de certaines hormones et de neurotransmetteurs. Ainsi on observerait globalement chez les méditants une augmentation de la dopamine, de la sérotonine et des endorphines (hormones en lien avec la sensation de bien-être), et une baisse du cortisol et de la noradrénaline (en lien avec la réaction de stress).
Des études ont également mesuré une diminution des cytokines circulantes, les marqueurs de l’inflammation sécrétés par les cellules immunitaires. De plus, en influençant les enzymes régulant la lecture du génome, la pratique de la méditation diminuerait l’expression des gènes responsables des mécanismes inflammatoires. Ces modifications peuvent être perçues comme le signe d’une meilleure régulation des fonctions immunitaires avec une limitation des mécanismes pro-inflammatoires dont la chronicité peut conduire à la maladie.
La méditation participerait aussi au ralentissement du vieillissement en favorisant l’activité de la télomérase (enzyme qui contribue au rallongement de la taille des télomères, les segments d’ADN situés à l’extrémité des chromosomes et dont la longueur est corrélée au vieillissement cellulaire).
Bien que la recherche scientifique ait mis en avant de nombreux effets positifs et alors même que la grande majorité des participants aux programmes basés sur la Pleine Conscience déclare une amélioration de leur qualité de vie, certaines études pointent la faiblesse des impacts mesurés. Ces approches restent fondamentalement des expériences à la première personne qui se prêtent mal aux méthodes scientifiques conventionnelles. Ce cadre rend complexe la mise en œuvre d’une méthodologie rigoureuse et la mesure d’effets cliniques, tant les contextes personnels peuvent varier.
En outre, dans ce type d’approches, la pratique de la méditation est un facteur parmi d’autres. Le rôle de l’enseignant ou la dynamique de groupes et les échanges entre participants ont également une incidence. Ces différents facteurs restent difficiles à isoler et à mesurer séparément. La recherche dans ce domaine est encore jeune et sera sans aucun doute approfondie dans les prochaines années.
Pour aller plus loin sur le sujet, vous trouverez sur notre site deux types de ressources : une bibliographie d’ouvrages sur la Pleine Conscience (dont certains ont un caractère de vulgarisation scientifique) et une liste d’études scientifiques de référence (qui s’adresse plutôt aux professionnels).
Pour les anglophones, nous vous invitons à consulter également les sites de l’American Mindfulness Research Association, du Center for Mindfulness de l’Université du Massachusetts, du Mindfulness Center de l’Université de Brown et de l’Oxford Mindfulness Centre.